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Session plénière du 23 novembre 2018 – Discours d’ouverture d’Henri Etcheto

Henri Etcheto

Henri Etcheto

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Nous voici réunis, pour la première fois depuis notre session d’été du 29 juin dernier.

Une éternité semble s’être écoulée depuis.

La dernière fois que nous avons débattu dans cette enceinte, Nicolas Hulot et Gérard Collomb étaient les poids lourds du Gouvernement. Alexandre Benalla n’était pas encore passé de l’ombre à la lumière. Le gilet jaune n’était qu’un accessoire de voiture, rendu obligatoire par Nicolas Sarkozy en 2008.

La dernière fois que nous avons débattu dans cette enceinte, certains pensaient que l’exécutif et son esprit étaient animés par un  idéal de transparence démocratique façon « nouveau monde ». D’autres s’imaginaient qu’il souhaitait engager notre pays sur la voie de la transition écologique. Quelques-uns osaient même prétendre que le gouvernement était soucieux du pouvoir d’achat des plus modestes ou bien encore du devenir de nos territoires ruraux ou de nos villes moyennes.

Force est de constater que la période écoulée aura été l’occasion de clarifications de la part de l’exécutif mais sans doute à l’insu de son plein gré. Plus personne ne peut désormais nier que nous savons à qui nous avons affaire : à des néo-libéraux élitistes et métropolitains, qui ne s’intéressent qu’à la gentry, aux start-up, aux inclus et aux heureux de la mondialisation. À des gouvernants un tantinet suffisants qui privilégient les « happy few », sans aucune contrepartie : plus de 40 milliards de cadeaux fiscaux en 2019.

Depuis samedi dernier, nombre de Français sont mobilisés pour manifester leur colère. Quoiqu’on puisse penser de cette forme de mobilisation, elle exprime une chose simple : nos concitoyens qui assistent impuissant à la détérioration de leur condition de vie, ne veulent plus subir cette politique inique, qui pressure et méprise à la fois les Français les plus modestes, celles et ceux qui vivent de leur travail, qui plus est sous couvert de prétextes écologiques fallacieux ! Qui peut croire que le promoteur des bus au gasoil pour concurrencer les trains choisisse d’augmenter la taxation des carburants au motif de considérations environnementales ?

Collectivité de proximité, les départements doivent être aux avant-postes pour s’opposer aux ravages de cette politique nationale. Pour éviter que le pays réel continue de décrocher. Car c’est une réalité : bon nombre de nos concitoyens ont davantage de difficultés aujourd’hui pour se chauffer, pour se déplacer, pour boucler leurs fins de mois ou pour aider leurs propres enfants.

Ce n’est pas un hasard si, tout à l’heure, dans la DM que vous nous présenterez 9 millions d’euros supplémentaires seront inscrits en dépense au chapitre des solidarités.

Ces inscriptions nouvelles ne relèvent évidemment pas de vos choix politiques, puisque vous n’avez de cesse depuis 3 ans de raboter les crédits consacrés à l’accompagnement des publics en difficulté et de malmener les personnels qui assurent ces missions – nous reviendrons d’ailleurs sur ce dernier point.

Ces 9 millions supplémentaires traduisent, en revanche, l’explosion du nombre de bénéficiaires de ce que l’on a coutume d’appeler les minimas sociaux.

Dans un tel contexte, nous souhaitons que notre collectivité se recentre sur sa mission première, celle de la solidarité. Les enjeux nouveaux auxquels nous sommes confrontés doivent nous amener à cibler davantage notre action et nos politiques envers celles et ceux qui nous ont confié mandat pour les défendre et les protéger.

C’est évidemment vrai pour nos dispositifs de solidarité, cela doit l’être en matière d’éducation.

Sur ce sujet, nous voyons, entre les coupes sombres du gouvernement et vos propres choix politiques, une convergence. Faisant écho aux ravages de l’austérité gouvernementale (2600 postes en moins cette année, excusez du peu), vous abondez en effet malheureusement dans le même sens en rabotant le PPI collèges, en écrêtant les dotations aux établissements publics, ou bien encore en lançant un audit d’optimisation des dépenses de personnel dont on devine bien à quelle fin déjà écrite il est destiné.

Comme si cela ne suffisait pas, vous persistez dans une débauche de moyens et de subventions, directes ou indirectes, en faveur de l’enseignement privé. Dernier exemple en date, bien caché au fin fond d’une délibération consacrée à la cession de délaissés de voirie, sans la moindre présentation en commission, une délibération prétendrait nous faire voter en catimini l’acquisition d’un bâtiment vétuste lestée d’un investissement de 3 500 000 € en faveur de l’enseignement privé.

Monsieur le Président, nous avons boycotté le dernier CDEN, pour protester contre la baisse des moyens alloués à l’Education Nationale, et pour attirer l’attention sur les conséquences néfastes de cette politique sur nos territoires, en particulier en zone rurale.

Nous demandons que notre collectivité soit exemplaire sur les questions d’Education et nous voulons que les crédits en direction des collèges publics soient sanctuarisés.

Protéger les plus fragiles, c’est aussi prendre à bras le corps la question migratoire. Elle nous frappe de plein fouet, en particulier en Pays Basque.

« De plein fouet », parce que la tragédie dont nous sommes désormais les témoins directs et, qu’on le veuille ou non, les acteurs, nous heurte et nous oblige.

La collectivité départementale a la responsabilité de s’occuper des mineurs, et un certain nombre de questions sont posées à ce titre, en liaison avec les services de l’État sur leur mise à l’abri, leur prise en charge, leur scolarisation notamment.

Mais au-delà, il est de notre devoir de soutenir et d’accompagner tous ceux qui font face, avec courage et abnégation, à des situations de détresse humaine absolument effroyables.

Nous demandons depuis de nombreux mois, avec lourdeur et insistance, que la collectivité se saisisse du sujet et débatte des moyens qu’il y a lieu de mettre en œuvre. Vous avez enfin accédé à notre demande et nous vous en remercions ; nous aurons donc l’occasion, tout à l’heure, de nous exprimer sur ce sujet.

Protéger les plus fragiles enfin, c’est garantir la qualité de nos services publics. C’est assurer une présence dans les territoires les plus reculés. Or sur ce point, nous assistons à une lente et irrémédiable dégradation de la présence publique sur les territoires pourtant déjà déshérités.

La présence postale, le service public ferroviaire, les trésoreries. Nous faisons partie de cette France qui ferme, celle où la présence publique est en recul. Celle où les habitants devront acquitter une fiscalité plus élevée sur les carburants automobiles pour aller accéder aux services publics dont on les éloigne.

Le gouvernement poursuit dans son œuvre de démantèlement de notre modèle social et républicain: les aéroports et la Française des Jeux sont dans son collimateur ; et maintenant : les barrages hydroélectriques. Sur une injonction de Bruxelles, le Président de la République est décidé à privatiser ces infrastructures majeures et stratégiques, à l’image de ce qu’ont fait les libéraux anglo-saxons avec le rail ou les libéraux italiens avec leurs ponts autoroutiers. Nous en sommes là en France aujourd’hui, et nous avons pu lire, par exemple, que les Chinois étaient sur les rangs pour s’emparer des barrages de Bigorre. Allons-nous, Monsieur le Président, rester silencieux face à ce qui serait un dépouillement, alors que les enjeux sont évidemment colossaux, que ce soit en matière d’indépendance énergétique, de développement durable, d’aménagement du territoire, et de sécurité ?

Et puis enfin, j’en termine par là. Pour être à la hauteur de ces ambitions, nous avons besoin de personnels impliqués et reconnus. Les agents départementaux constituent le bras armé de nos politiques. Ils sont les ambassadeurs du service public, et ils méritent pour cela d’être soutenus et encouragés.

Ils méritent de pouvoir évoluer dans leur parcours professionnel. Ils méritent que leur expérience soit valorisée, sans aller chercher des contractuels extérieurs à la collectivité, au mépris, d’ailleurs, des règles élémentaires régissant le statut des fonctionnaires, mais au mépris surtout de celles et ceux qui formulent, en interne, des vœux de mobilité, et qui ont quand même, pour beaucoup d’entre eux, l’avantage de connaître le métier, de connaître la maison et de connaître le terrain.

Ce dogmatisme nuit à la qualité du service public et à la satisfaction de nos usagers. Nous vous demandons, à nouveau, de reconsidérer cette question et de ne pas rester sourd aux difficultés exprimées par nos personnels.

Monsieur le Président, mes chers collègues, la collectivité va entrer dans sa phase de préparation budgétaire pour 2019. Nous formulons le vœu que ces urgences que nous venons d’exposer puissent être prises en considération dès les orientations budgétaires dont nous débattrons le mois prochain.

Je vous remercie.

Henri Etcheto

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